Exile Inside
Un journal posé sur la table
Une vilaine table faut bien dire
Un café dans une tasse blanche
Des titres et des taches noires
Dans ces taches y’a des larmes
Des cris des larmes et encore
Des cris surtout y’a une voix
Elle se distingue nettement
Il recule comme si la voix
Avait retenti pas plus loin
Que dans le salon un vilain
Salon faut bien dire quelques
Porcelaines et un éventail
Pas de quoi ouvrir une antiquité
Des milliers et des milliers
De kilomètres et voilà le travail
Une vie d’exil dans une vitrine
Limite miniature surtout y’a plus
Que les vieux pour considérer
La grande valeur des porcelaines
Les jeunes du quartier eux pensent
Qu’elles viennent de Pier Import
Rayons exotiques chinoiseries
A chaque fois c’est la même corrida
Ils ricanent : “Hé l’asiat’ ! T’as dévalisé
Monsieur Soldes ?” Sales petits cons
S’ils savaient qu’à leur âge j’étais
Déjà colonel un foutu colonel
Toujours au front toujours
Et sanguinaire et courageux
Mais tortionnaire aussi des fois
Fallait bien le dire un jour
La voix dans le salon a des
Accents insupportables elle
Est sortie du journal comme
Une victime à la page étrangère
Des attentats des arrestations
Comme autrefois des massacres
Ce visage jeune ce corps en uniforme
C’est lui c’est moi pense-t-il tout bas...