Comme cette langue
Allégée à l’extrême
Dépouillée presque
Sans que l’on sache
Très bien pourquoi
Ou plutôt que l’on
Dépouille en pleine
Conscience
Ivre du vide
Entre ces mots
Autant d’espaces
Intérieurs
La distance que l’on met
Que l’on ne devrait pas mettre
L’absolu du silence
Au milieu des corps
Et des corps dressés
Ces présences
Qui séduisent
Et embuent
Ça évente les rues
Ça cogne les parois
Ça remue les
avenues
Les paysages s’étendent
Comme des blessures guéries
Des scènes passées
Revenues à la surface
Comme adoucies
Douleurs sacrées
Qui s’effrangent
Ne laissant
Qu’une brume
Intérieure
Sur la ville engravée
Les bords dangereux
Et leurs cris brisés
Ce que l’on tient
Et lâche en dénouant
Les mains
Des quartiers
Chassant l’autre
Traversés
Redoutés
Par avance
Comme un temps
Retourné
Ou plus rien
N’a sa place
Déplaçant
L’existence
De la terreur
À cette espèce
D’éternité
Dont on est privé
Comme on sculpte
Dans la mémoire
Où tremble trop
De larmes
Remplacées
Par les brûlures
Dégueulasses
Carènes blessées
Que l’on remarque
D’une rue à l’autre
Ici et là
Là où se repose
La lumière d’une
Terre océane
Reliée à la fureur
Aux murailles disparues
À l’étoile morte
Qui s’étend
Dévorant
Tout ce qui passe
Près d’elle
Je ne vois que ça
L’état second
En retrait
Comme ce navire
Effondré
Gisant toujours
Quelque part
En soi
Bien trop souvent
Avalé
Ombrageant
Dans toi
Tant de choses
Faites puis défaites
Je ne vois que ça
Ce crève-cœur
Patiemment
Réparé
Il y a ces mots
« Délivre-toi »
Comme un slogan
Une enseigne
Une ombre enfin
Le seul espace viable
Fidèle à lui-même
À l’attente que
L’on consent
Aux douleurs tatouées
Dans le temps
À cette pensée
D’une mort
Que l’on ne veut pas
Rempli d’images
Évaporées
Quand c’est écrit
A la marge
Comme une périphérie
Proche
Sous le ciel
Pansé de douleurs
De présences
Décomposées
Et de murmures
Urbains
Alors que tu sors
Des braises refroidies
Toutes ces âmes
Conjurées
À peine si
L’écriture
Cette eau noire
Qui se mélange
Aux sources perdues
Sous nos pieds
À peine si
Elle emporte
Ravage
Nos fronts
Silencieux
Comme une nuit
Qui s’enfuit
Sous la terre
On ne retient
Plus les coups
Une histoire écrite
Celle qui rappelle
La nuit à sa mesure
Cette mémoire
Jetée en pâture
Ou jamais dévoilée
Ce temps confisqué
Aux morsures
Jamais refermées
Comme un devoir
De violence
À soi-même
Et juste à soi-même
Auprès de nous
Le risque incohérent
Celui que l’on prend
Avec ces rendez-vous
Des heures consacrées
A la déchirure
Qui semble faire
Un signe
Ou montrer
Le sens
La direction
De cette ville intérieure
On s’y rend
On s’efface
Ou plutôt
On laisse au dehors
Sinon la vie
Sa pleine lumière
Le bruit qu’elle fait
Ce qu’elle dépose
Au fil des impasses
Et des carrefours
Alors on pose
Comme des bagages
Si lourds qu’ils
Écrasent le dos
Ce qu’on ne veut
Jamais voir
Mais atteindre
Pendant le jour
On ne s’habitue jamais
À regarder ce qui vrille
À entendre les mots
Rouler sur les corps
Tout ce qui tremble
Et fait trembler
Ce qui emporte tout
On ne s’habitue jamais
À ce mensonge
Qui retombe
Soudainement
Et redevient un
Souvenir
Tout ce qui va
Bien trop vite
Jusqu’au bout du jour
Quand les immeubles
S’écroulent
Dans la cendre
Et la lumière
Artificielle
L’expérience
De ce que l’on
Décline à l’infini
Depuis les deuils
À commencer
Par le nôtre
Tous les spectres
Que l’on trimballe
En nous
De lieu en lieu
Ne servent qu’à la vie
Cet instant
Où l’on est
Le monde
L’instant
De sa disparition
Le bonheur
Est bien
Un couteau
Capable
D’écorcher
Ce qu'il
Effleure
Il y a
Ce profond
Sommeil
Retrouvé
Dans l’émotion
Étrange
Le sentiment
Discret
Que chaque
Mot est un
Éloignement
La tentative
De rester
Juste là
À la fois
Menacé
Et si présent
Juste distant
Dans la distance
Intérieure
Dans l’exil toujours
D’un quartier
D’une vision
Quotidienne
Ce funèbre
Pouvoir
De l’effacement
Sans le dire
L’étendue du retour
La nuit qui creuse
En soi
Cette vie substituée
Qui cherche d’un regard
Où elle s’engouffre
Tirée de l’inertie
Plongeant
Dans le cours
Effréné d’un fleuve
Urbain
Soudain étrangère
À sa propre langue
Celle que l’on
Jette au fond
Comme on parle
Aux morts
On remue dans l’obscurité
Quelque chose
Un genre de matière
Éteinte que l’on ranime
Cet ouvrage qui veut
Revivre juste ici
S’épanouir au
Milieu de tous
Ces mouvements
Au milieu de tout
Ce bruit
Comme on emprunte
Des transports
Des passages obligés
Autant de signes
Tristes que l’on
Rend transparents
Comme à la
Lumière
À partir de ce désert
Que l’on présumait
Comme un adieu
À la ville
Les mêmes mots
Qui emportent
Les traces de vie
Dépôt d’images
Chavirées par
La maladie
Mélanges de
Cendre et de corps
De courbes marquant
Les fins de parcours
Un cours incertain
Que l’on a traversé
Comme un combat
Exsangue
Assis dans l’ombre
D’une écriture
Sans trêve
Les départs
Et les morts
Prolongeant
Les souvenirs
Amers et les
Silences éblouis
Simples tremblements
Sur la page
Autant de vertiges
Dominés comme ça
Cet effort pour
Réduire à néant
La peur à nos
talons
À travers l’éternité
De ces murs supportant
La voûte de
Notre passage
Cette voix se brise
Il lui arrive même
De disparaître
Sans dire un mot
Comme une débâcle
À l’intérieur
Elle naît pourtant
À cette évaporation
Quelque chose de plus
Cet art poétique
Le seul qui sache
Comment mourir
Sans jamais le
Dévoiler vraiment
Comme un rideau
Que l’on tire
Et referme aussitôt
Après avoir vu
Se disséminer
Nos forces
Peu à peu
N’en garder
Cependant
Que l’illusion
Sans faille
Du langage
Ce crève-cœur
Qui a la noblesse
De son silence
Ce principe
Même plus
Destructeur
À longueur
De pages
Cette gravité
Presque zéro
Face à la vie déchirée
Ce crève-cœur
Ressemble
À un accident
De voiture
