Les fleurs noires
Les fleurs du travail poussent au pied des remparts
Le long des sentiers surplombant l’abîme maritime
Classées Seveso elles sont les fleurs noires
Les végétaux de la pétrochimie
Les filles des citernes flottantes ventre de biche
Qui s’amarrent après une quarantaine
Loin sur la rade de longs cous d’albâtre
Les fleurs suspendues à l’explicite
Se nourrissent à la dynamite sans une hésitation
Sans le moindre murmure elles ingurgitent l’explosif
Et embellissent les falaises tachetées de blanc et de brun
La pierre grivelée sur laquelle elles se couchent
Soudain la côte qui meurt au bord de la ville éructe
De la bave hardcore à la commissure des failles
Les fleurs noires portent le deuil d’une euphorie
D’une douce toxicomanie ce sentiment de marcher sur l’histoire
Lorsque l’aube en feu pouvait se boire
Que l’aurore passait au lance-flammes le front de mer
Encore dans les draps charbonneux rêvant à l’origine
Le boulevard s’éveillait dans l’incendie et la chair flammée
Tandis que la brutalité s’immolait avec la nuit
Les filles de la working class s’abandonnent aux poubelles
Des racines dans l’ordinaire repues de calme et de respiration
Avides de capter les saisons le gaz carbonique
Penchées sur le vide entre le bâti et la nature
Entre le fret surveillé et le défilé des paquebots
A force d’entreposages de transbordements
Les appontements ont fini par épuiser la sève
Tous les vingt mètres une fleur comme une jetée
Noire de la pétrochimie et d’un travail de nuit
Travail de classe des enfants du couchant
Sur la descente l’inclinaison des rayons nonchalants
La tranquille observation des décombres épanouis
La paisible défaite le dos contre la pierre faillite
Les pieds déjà dans la terre les idées noires aux teints hâves