mardi 24 juillet 2007

Les fleurs noires



Les fleurs du travail poussent au pied des remparts

Le long des sentiers surplombant l’abîme maritime

Classées Seveso elles sont les fleurs noires

Les végétaux de la pétrochimie

Les filles des citernes flottantes ventre de biche

Qui s’amarrent après une quarantaine

Loin sur la rade de longs cous d’albâtre


Les fleurs suspendues à l’explicite

Se nourrissent à la dynamite sans une hésitation

Sans le moindre murmure elles ingurgitent l’explosif

Et embellissent les falaises tachetées de blanc et de brun

La pierre grivelée sur laquelle elles se couchent

Soudain la côte qui meurt au bord de la ville éructe

De la bave hardcore à la commissure des failles


Les fleurs noires portent le deuil d’une euphorie

D’une douce toxicomanie ce sentiment de marcher sur l’histoire

Lorsque l’aube en feu pouvait se boire

Que l’aurore passait au lance-flammes le front de mer

Encore dans les draps charbonneux rêvant à l’origine

Le boulevard s’éveillait dans l’incendie et la chair flammée

Tandis que la brutalité s’immolait avec la nuit


Les filles de la working class s’abandonnent aux poubelles

Des racines dans l’ordinaire repues de calme et de respiration

Avides de capter les saisons le gaz carbonique

Penchées sur le vide entre le bâti et la nature

Entre le fret surveillé et le défilé des paquebots

A force d’entreposages de transbordements

Les appontements ont fini par épuiser la sève


Tous les vingt mètres une fleur comme une jetée

Noire de la pétrochimie et d’un travail de nuit

Travail de classe des enfants du couchant

Sur la descente l’inclinaison des rayons nonchalants

La tranquille observation des décombres épanouis

La paisible défaite le dos contre la pierre faillite

Les pieds déjà dans la terre les idées noires aux teints hâves